Au début des années 70, Hervé Poulain est déjà commissaire-priseur. Les affaires vont bien pour lui, mais il rêve de tout autre chose. Courir aux 24 Heures du Mans ! Il pilote déjà en rallye, aussi profite-t-il déjà d'un joli carnet d'adresses d'une part, d'un certain talent au volant d'autre part. Il pense à allier art moderne et automobile pour convaincre quelques décideurs de l'engager dans la compétition automobile, mais réserve ceci pour l'épreuve mancelle. Ne sachant trop à quelle écurie de course s'adresser, il se voit conseiller par Jean Todt d'approcher Jochen Neerspasch, créateur et directeur de BMW Motorsport. Celui-ci, emballé par le projet, met quelques mois à convaincre la direction du constructeur à l'hélice, alors que de son côté, Hervé Poulain s'assure la collaboration d'un artiste de tout premier plan, Alexander Calder. Une fois le feu vert obtenu, celui-ci exerce son talent sur une 3.0 CSL qui se retrouve au départ des 24 Heures en 1975. Nantie d'une robe très repérable puisque peinte en jaune, rouge, jaune et blanc, elle s'attire les faveurs des spectateurs, d'autant qu'elle se montre performante. La jonction entre art et industrie, deux mondes qui s'ignoraient, est donc réalisée, et, peut-être plus important encore, le grand public découvre alors avec plaisir la beauté de l'art moderne ! Par la suite, le célèbre commissaire-pilote convaincra trois autres artistes majeurs de transformer des bêtes de course en uvres d'art roulantes : Frank Stella, Roy Lichtenstein et Andy Warhol. Excusez du peu !
L'arrivée massive des sponsors en compétition aura raison de la première lignée des Art Cars, mais ceux-ci vont perdurer chez BMW, qui fera appel à des artistes variés, de Jeff Koons à John Baldessari en passant par Cao Fei ou encore Esther Mahlangu. Ceux-ci magnifieront aussi bien des autos de série que de compétition.
© BMW AG
BMW 525i Esther Mahlangou, 1991
Sud-africaine, Esther Mahlangou est la première femme à créer une Art Car. Pour ce faire, elle a peint une 525i pour « qu'elle ressemble à un mur. » Ce qui n'a rien d'infâmant puisque dans sa tribu des Ndebele, on le fait pour célébrer un évènement important. « Les motifs dont j'ai décoré la BMW unissent nos traditions et la modernité de l'automobile », explique-t-elle. Ce désir d'union prend un sens particulier quand on se rappelle que Nelson Mandela n'avait été libéré qu'un an avant la création de cette Art Car graphique et magique. Cette voiture sert aussi à véhiculer symboliquement des couleurs et des graphismes traditionnels de l'Afrique du Sud dans un avenir moderne et prometteur. Même si cette 525i n'a jamais été destinée qu'à être exposée, non à rouler.
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